Procès Squarcini : plongée dans les eaux troubles du renseignement intérieur
L'ex-patron de la DGSI touchait 45 000€/mois pour faire le sale boulot de LVMH !
Les chiffres du scandale sont dingues :
🔴 2,2 millions € facturés à LVMH en 3 ans
🔴 11 infractions pénales
🔴 10 millions€ payés par LVMH pour éviter le procès
Bernard Squarcini utilisait ses contacts dans le renseignement pour obtenir des infos sur les concurrents de LVMH ou faire des filatures et des infiltrations.
Il a même espionné François Ruffin...
L'ancien patron du renseignement intérieur sous Nicolas Sarkozy, Bernard Squarcini, est jugé à partir de ce mercredi et jusqu'à fin novembre avec 9 autres personnes. Poursuivi pour une dizaine de délits, il est soupçonné d'avoir profité de ses réseaux pour obtenir des informations confidentielles au profit de personnes privées.
On l'avait surnommé le « Squale » en raison de sa capacité à naviguer en eaux troubles. Bernard Squarcini, l'ex-directeur central du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI), était ce que l'on appelle un « grand flic » : discret, matois, un visage débonnaire que trahissaient des yeux comme des lames.
A partir de ce mercredi, c'est lui qui se retrouve devant les juges et la liste des infractions qui lui sont reprochées est longue comme un jour de planque dans une voiture banalisée : trafic d'influence, détournement de fonds publics, faux en écriture public, complicité de violation du secret professionnel, compromission du secret de la défense nationale, abus de confiance, trafic d'influence passif… Pas moins de 11 délits au total. A ses côtés sur le banc des prévenus, une faune bigarrée composée de 8 autres personnes, dont un préfet, un ancien magistrat et des policiers reconvertis dans le privé.
Les 237 pages de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, que « Les Echos » ont parcourue, passent en revue tout ce que le début des années 2000 a connu d'affaires et dans lesquelles Bernard Squarcini et ses comparses auraient joué un rôle, de près ou de loin, à coup de « notes blanches » (notes non signées), de coups de fil passés au bon moment et de services discrets : Bettencourt, Ziad Takieddine, Cahuzac, les réseaux Corse et le Cercle Wagram… et puis d'autres, plus secrètes, où se mélangent intérêts privés et renseignement.
Dans ce dossier à tiroirs, incroyablement complexe, Bernard Squarcini est notamment soupçonné d'avoir mis à profit ses relations au sein du renseignement et de la police afin d'obtenir des informations pour le compte de personnalités privées, en particulier le patron du groupe de luxe LVMH (propriétaire des « Echos »). Et ce, aussi bien sur la période où il était patron de la DCRI (2008-2012) qu'après sa reconversion dans le privé en 2012.
L'enquête a notamment mis en exergue le rôle de Bernard Squarcini dans l'identification en 2008, grâce à des policiers de la DCRI dont il était le chef, de l'auteur d'une tentative de chantage privé au préjudice de Bernard Arnault. Une fois localisé, l'apprenti maître chanteur, un ancien chauffeur de l'homme d'affaires, aurait été « traité » par l'ancien commissaire Charles Pellegrini et par l'ex-numéro deux du groupe de luxe Pierre Godé , décédé en 2018.
Pour Bernard Squarcini, qui « conteste tous les termes de l'ordonnance de renvoi », selon ses avocats Patrick Maisonneuve et Marie-Alix Canu-Bernard, cette mission était « légitime ». Elle concernait, selon lui, une « mission de protection du patrimoine économique », la protection des intérêts économiques français faisant partie des missions de la DCRI.
Après avoir créé sa propre société de conseil en intelligence économique, baptisée Kyros, Bernard Squarcini continuera à servir le groupe de luxe, auquel il facturera plus de 2 millions d'euros en prestations et remboursement de frais divers.
Des fonds destinés à rémunérer des « services » aussi divers, selon l'enquête, que la livraison d'informations dans le cadre de la procédure qui a opposé Hermès à LVMH, ou la consultation irrégulière de fichiers régaliens.
Un autre volet devrait occuper les débats : l'espionnage de François Ruffin et de son journal « Fakir » entre 2013 et 2016. A l'époque, le journaliste tournait « Merci Patron », un film sur le leader mondial du luxe et qui projetait de perturber des assemblées générales de la multinationale.
Mais LVMH ne sera pas présent car, fin 2021, le groupe de luxe a signé une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) négociée avec le parquet et payé 10 millions d'euros d'amende pour éviter un procès. Par ailleurs, Bernard Arnault, en tant que personne physique, a toujours contesté au cours de l'enquête avoir été au courant des manoeuvres entreprises par Pierre Godé et ses troupes.
Néanmoins, François Ruffin a l'intention de citer le PDG du groupe comme témoin. Et le président de l'audience, Benjamin Blanchet, est connu pour attendre des témoins qu'ils se présentent. C'est lui qui avait présidé le procès des sondages de l'Elysée, dans lequel Nicolas Sarkozy , cité uniquement comme témoin, avait été conduit au tribunal escorté par des officiers de police judiciaire.
Valérie de Senneville
Procès Squarcini : plongée dans les eaux troubles du renseignement intérieur
L'ancien patron du renseignement intérieur sous Nicolas Sarkozy, Bernard Squarcini, est jugé à partir de ce mercredi et jusqu'à fin novembre avec 9 autres personnes. Poursuivi pour une dizaine ...