- Changement climatique : Davos fait partie du problème pas de la solution
Source : notre-planete.info
Forum économique mondial de Davos 2015
Le vendredi 23 janvier, François Hollande était à Davos, au Forum économique mondial, pour appeler à une réponse « globale » sur le climat. Comme si la lutte contre les dérèglements climatiques pouvait être menée efficacement par celles et ceux qui en portent la responsabilité.
Il est aisé de brocarder le Forum économique mondial de Davos pour le décalage abyssal existant entre sa démesure anti-écologique et les engagements affichés. Ce sont plus de 1700 avions privés et des dizaines d'hélicoptères qui vont déplacer la majorité des 40 chefs d'Etat et des 2500 « décideurs politiques et économiques » attendus dans la station de ski suisse. Le faste des réceptions, dîners et soirées – cf cette soirée d'oligarques russes au caviar – organisées pour les riches et puissants de la planète, très majoritairement des hommes (83 %), sont peu en phase avec les exigences de sobriété, de mesure et de partage que suggère l'utilisation soutenable des ressources de la planète. Qu'importe, les « leaders » de la planète vont vivre quelques jours isolés du monde, dans un camp retranché que l'armée et la police suisses protègent du reste de la population, pour débattre de climat, d'inégalités, des risques planétaires etc.
Le storytelling, cet art de vous vendre une histoire sans fondements sérieux, fonctionne à plein tube. Les leaders de ce monde auraient enfin décidé de se préoccuper de climat et il faudrait les encourager dans la perspective de la conférence de l'ONU sur le climat qui se tiendra à Paris-Le Bourget en décembre 2015. C'est oublier qu'il en était déjà question lors des précédents Forums de davos, notamment en 2013. C'est oublier qu'à l'occasion du G8 à Gleneagles en 2005, le gouvernement du Royaume-Uni avait demandé au Forum Economique mondial de formuler des propositions pour que le monde des affaires réduise les émissions de gaz à effet de serre (GES). Avec grand succès si l'on considère qu'un nouveau record d'émissions de GES à la hausse est battu chaque année.
On pourra rétorquer que le tonitruant discours d'Al Gore de ce mercredi 21 janvier et l'annonce d'un immense concert planétaire « Live Earth » décentralisé (en Chine, Australie, Brésil, Le Cap, New York, Paris...) touchant deux milliards de personnes (via les TV, radio et Internet) le 18 juin prochain, est bien la preuve que quelque chose est en train de changer. Il est bien-entendu utile de disposer d'initiatives ayant la capacité de sensibiliser l'opinion publique mondiale. Encore faudrait-il se rappeler que la dernière initiative analogue, le Live 8 regroupant huit concerts dans les huit pays du G8 en 2005 pour « faire de la pauvreté de l'histoire ancienne » (Make poverty history), n'a jamais eu les résultats escomptés. Dix ans plus tard, avec 2,2 milliards de personnes de pauvres ou susceptibles de le devenir, la pauvreté est loin d'avoir disparu. Saurons-nous en tirer les leçons ?
Plus important encore : Al Gore a annoncé que ce concert planétaire sera suivi d'une pétition en ligne avec l'objectif de récolter « un milliard de voix » pour demander « d'agir pour le climat maintenant ». Pharell Williams, qui sera le directeur musical de ce show, a rajouté que « l'humanité entière (sera) en harmonie » lors de ce 18 juin. Alors que les négociations climat se poursuivent depuis deux décennies sans résultats tangibles autres que l'augmentation continue des émissions de GES, il faudrait donc continuer à « appeler les décideurs à passer à l'action ». Il faudrait faire comme si il existait une communauté d'intérêt et de destin qui abolirait les catégories de responsables et de victimes. Mais de quelle « harmonie » s'agit-il lorsque 90 entreprises sont, à elles seules, responsables de 60 % des émissions de GES depuis qu'elles sont comptabilisées ? De quelle harmonie s'agit-il lorsque 20 % de la population mondiale consomme 80 % de l'énergie produite sur la planète ? De quelle harmonie s'agit-il lorsque les 3,5 milliards de personnes qui ne disposent pas plus que les 80 milliardaires les plus riches – dont nombre d'entre eux sont à Davos – seront les plus touchées par les conséquences des dérèglements climatiques ?
Dans une tribune sur Médiapart écrite avec Nicolas Haeringer et publiée en septembre dernier, nous expliquions pourquoi il fallait « accepter de sortir de l'idée que nous aurions besoin de « tout le monde » pour résoudre la crise climatique ». Diluer les responsabilités, décontextualiser et déshistoriciser la crise climatique, invoquer d'abstraits et confus passages « à l'action », laisser entendre que n'importe quelle action vaut mieux que l'inaction, n'est pas de nature à résoudre les défis climatiques, sociaux, politiques auxquels nous sommes confrontés. Ce n'est pas de nature à mobiliser les populations. Parce que tout le monde n'a pas intérêt à ce que tout change, « nous avons de fait autant besoin de l'implication de certains que d'empêcher d'autres acteurs de nuire »...
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Attendre que les plus riches et les plus puissants de la planète, ces fameux 1% dont la majorité a combattu les propositions des Indignés, d'Occupy et du mouvement altermondialiste, soient ceux qui résolvent les défis climatiques est une impasse. Ne les appelons plus à passer à l'action, une action indéterminée qui leur permet d'imposer leurs fausses solutions. Les alternatives, les véritables solutions aux dérèglements climatiques, c'est à nous de les imposer. Ce sont celles que portent les processus Alternatiba et Blockadia. C'est moins glamour que les concerts d'Al Gore ou de Geldof, mais ce sera terriblement plus efficace.
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