Tel est pris qui croyait prendre. Le 29 septembre dernier, Emmanuel Macron lançait une commission anti-complotisme, présidée par le sociologue Gérald Bronner, qui doit rendre, d’ici la mi-décembre « une série de propositions concrètes dans les champs de l'éducation, de la régulation, de la lutte contre les diffuseurs de haine et de la désinformation ».
Or, depuis plusieurs jours, un nom parmi les participants à cette mission suscite la controverse, celui du professeur Guy Vallancien. Marianne révélait le 20 septembre comment l’ancien urologue de François Mitterrand avait été sanctionné cet été par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins pour avoir rédigé un faux. Ce à quoi le bouillonnant professeur, ancien conseiller des ministres de la Santé Jean-François Mattéi, Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand nous avait poliment répondu : « J’en ai rien à foutre de cette décision » et de conclure : « J’en ai rien à foutre du conseil de l’Ordre » (sic).
MINIMISER LE DRAME DU MEDIATOR
À cette sanction ordinale, s’ajoutent ses prises de position dans l’affaire Mediator, ce médicament du groupe pharmaceutique Servier commercialisé en France durant 33 ans et retiré du marché en novembre 2009 pour ses effets cardiaques aussi rares que graves. Or, le 30 septembre dernier, la docteure Irène Frachon, la pneumologue du CHU de Brest qui a bataillé pour obtenir l’interdiction de la pilule signait une tribune dans Le Monde.
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Elle s’insurgeait contre la présence du tonitruant médecin au sein de cette commission anti-complotisme et rappelait notamment comment l’urologue a nié le drame du Mediator. « Dans son ouvrage La Médecine sans médecin ? (Gallimard, 2015) le professeur Vallancien écrit ceci à propos du scandale du Mediator, tout en déplorant la défiance suscitée par l’affaire : "La violence de la charge unique contre l’industrie avait de quoi choquer (...). Rares sont les malades qui furent meurtris par les complications liées au produit (…). Parmi les dossiers de plaignants (…) seul un nombre infime est à ce jour reconnu comme en relation avec la prise du produit incriminé" », écrivait Irène Frachon.
Le 30 mars dernier, après dix ans d’instruction judiciaire, Servier et ses diverses filiales ont été finalement condamnés à 2,7 millions d’euros d’amende. L’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), elle, avait été jugée coupable de « blessures et homicides involontaires », et condamnée à 303 000 euros d’amende. Par ailleurs, 6 500 personnes s’étaient portées partie civile dans ce dossier. On est loin du « nombre infime » de victimes évoqué par Vallancien.
« JE NE SUIS PAS UN INSPECTEUR DE POLICE »
L’histoire a pris un nouveau tournant dimanche 3 octobre au soir sur le plateau de C Politique. Gérald Bronner y était interrogé sur la nomination de Guy Vallancien au sein de sa commission. À la question « si vous le gardez n’y a-t-il pas un risque que l’on vous factchecke vous aussi ? », le sociologue répond : « Guy Vallancien, il faut le rappeler, est un très grand médecin un très grand chirurgien avec une reconnaissance de ses pairs à l’international, il est membre de l’Académie nationale de médecine c’est pour ça qu’évidemment qu’on a pensé à lui. »
« Puis, j’ai découvert, comme vous, toutes ces histoires, poursuit Gérald Bronner. Je ne suis pas un inspecteur de police. Ce qui m’a motivé c’est la compétence et la diversité (…). La première réunion va avoir lieu demain (…). Ce qui est en train d’arriver est tout à fait symptomatique, c’est presque une mise en abîme du sujet c’est-à-dire qu’il y a des esprits malveillants qui radiographient chacun des membres et on trouve un certain nombre de choses (…). Je ne tombe pas dans ces hystéries-là ». Le sociologue livrait là une définition du complotisme, en somme.
« ESPRITS MALVEILLANTS »
Contacté par Marianne, Gérald Bronner nous a informés que Guy Vallancien allait être entendu par la commission ce lundi 4 octobre au soir et que ses arguments seraient rendus publics demain mardi. Vallancien arguera-t-il de sa proximité avec Emmanuel Macron qu’il a rencontré il y a quelques jours à l’Elysée dans le cadre de son think thank médical pour convaincre les membres de la commission de le garder ?
Dans sa réponse à Marianne, Bronner a ajouté que son expression concernant les « esprits malveillants » faisait référence à « certains twittologues venant notamment de l’extrême droite », sans donner plus de précision. Enfin, il a assuré avoir « le plus grand respect » pour Irène Frachon. Selon nos informations, cette dernière a justement demandé à être entendue par la mission de Bronner.
Cette bouillabaisse parisiano-médico-mondaine s’entrechoque avec un autre calendrier, celui de l’Académie de médecine dont sont justement membres Vallancien et Bronner (bien que ce dernier élu en 2017 y soit plutôt discret selon nos sources). La noble assemblée est très ennuyée par l’affaire du charnier de Paris Descartes mais ce trouble n’empêche pas le professeur d'urologie Vincent Delmas d’être candidat à la vice-présidence de l’Académie. Celui-ci connaît parfaitement le centre du don des corps de Descartes fondé… par son père en 1953. Lui-même avait ses bureaux au 5e étage, celui des chambres froides, à quelques mètres des frigos. Et donc des odeurs. Un endroit que connaît également Guy Vallancien pour avoir dirigé l'établissement de 2004 à 2014. Il achetait alors des cadavres au prix de l'Université avant de les revendre plusieurs fois le prix, via sa structure privée, à des industriels.
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