Les accusations de tortures et d’exécutions sommaires sont d’autant plus difficiles à supporter que Bachar el-Assad a donné, dès 2011, des instructions interdisant toute forme de torture et qu’il a créé un ministère de la Réconciliation nationale chargé de réintégrer les Syriens qui avaien rejoints les jihadistes, et enfin qu’il a mis en œuvre une quarantaine de fois des amnisties générales.
Le 8 décembre, le président Bachar el-Assad donne l’ordre à ses hommes de déposer les armes. Damas tombe sans coup férir. Les jihadistes déploient immédiatement des banderoles imprimées à l’avance et apposent le symbole du nouveau régime sur leurs uniformes. L’ancien combattant d’Al-Qaïda, puis numéro 2 de Daesh, Abou Mohammed al-Jolani, de son vrai nom Ahmad el-Chara, prend le pouvoir. Entouré de conseillers en communication britanniques, il prononce un discours à la grande mosquée des Omeyyades, sur le modèle de celui du calife de Daesh, Abou Bakr al-Baghdadi, à la grande mosquée Al-Nouri de Mossoul, en 2019.
HTC traite désormais les chrétiens comme des mustamin (classification islamique pour des étrangers non musulmans qui résident de manière limitée sur un territoire musulman),
leur épargnant le pacte du dhimmi (série de droits et de devoirs réservés aux non-musulmans) et le paiement de l’impôt de la djizîa. En septembre 2022, pour la première fois en une décennie, une cérémonie en l’honneur de sainte Anne a pu avoir lieu dans l’église arménienne d’al-Yacoubiyah, dans la campagne de Jisr al-Shugur, à l’ouest d’Idleb.
3 000 soldats de l’armée arabe syrienne s’exilent en Iraq. Ils sont désarmés et hébergés dans des tentes au poste frontière d’Al-Qaim, puis transférés dans une base militaire à Rutba. Bagdad annonce qu’il tente d’obtenir des garanties pour qu’ils puissent retourner chez eux [10]
Les Forces de défense israéliennes (FDI) lancent une opération de destruction des matériels et des fortifications de l’armée arabe syrienne. En quatre jours, 480 bombardements coulent la flotte et incendient les armureries et les entrepôts. Simultanément, des équipes au sol assassinent les principaux scientifiques du pays.
Après avoir fait visiter à des journalistes les fortifications syriennes vides, le long de la côte, Benny Kata, un commandant militaire local, déclare à ses invités : « Il est clair que nous resterons ici pendant un certain temps. Nous y sommes préparés. »
Déjà les FDI envahissent un peu plus la Syrie, au-delà de la ligne de cessez-le-feu du Golan qu’elles occupent. Elles annoncent créer en territoire syrien une nouvelle zone tampon, pour protéger l’actuelle zone tampon, bref pour l’annexer. En outre, elles annexent le mont Hermon de manière à pouvoir surveiller toute la région.
Le 9 décembre, le général Michael Kurilla, commandant en chef des forces états-uniennes au Moyen-Orient élargi (CentCom) se rend à Amman pour rencontrer le général Yousef Al-H’naity, président des chefs d’état-major de Jordanie. Il réaffirme l’engagement des États-Unis à soutenir la Jordanie si des menaces émanent de la Syrie au cours de la période de transition actuelle.
Le 10 décembre, le général Michael Kurilla visite ses troupes et celles des Forces démocratiques syriennes (mercenaires kurdes), dans plusieurs bases en Syrie. Il met au point un plan pour que Daesh ne sorte pas de la zone qui lui a été assignée par le Pentagone et ne s’ingère pas dans le changement de régime à Damas. Immédiatement, des bombardements intenses empêchent Daesh de s’approcher.
HTC nomme Mohammed al-Bachir, ancien « gouverneur » jihadiste d’Idleb, comme Premier ministre du nouveau régime. C’est un membre de la Confrérie des Frères musulmans, sponsorisé par le MI6 britannique. La France, qui avait négocié avec son envoyé spécial, Jean-Yves Le Drian, la nomination de Riad Hijab (ancien secrétaire du Conseil des ministres en 2012), réalise qu’elle s’est faite flouée.
Le soir même, il n’est plus question de faire de Jean-Yves Le Drian le Premier ministre en France. Au contraire, l’Élysée fait inviter au journal de France2 le procureur antiterroriste de Paris. Celui-ci met fin aux acclamations du nouveau pouvoir à Damas et déplore que HTC soit impliqué dans l’assassinat du professeur français Samuel Patty (2020) et dans le massacre de Nice (86 morts, en 2016). La presse française change alors son fusil d’épaule et commence à s’interroger sur le nouveau pouvoir que la presse internationale continue à présenter comme respectable.
Le 11 décembre, les principales factions palestiniennes présentes en Syrie (Front de libération de la Palestine, Front démocratique de libération de la Palestine, Mouvement du Jihad islamique, Front palestinien de lutte populaire, Commandement général) se réunissent à Yarmouk (Damas) en présence de délégués de HTC (Département des opérations militaires). Le Fatah et le Hamas
ne participent pas à la réunion. Il leur est demandé de faire la paix avec l’allié israélien. Il est décidé qu’aucune faction ne disposerait d’un statut privilégié et que toutes seraient traitées identiquement. Chaque groupe s’engage à déposer les armes.
Le général Michael Kurilla se rend successivement au Liban et en Israël pour trois jours. À Beyrouth, il rencontre le général Joseph Aoun, commandant des forces armées libanaises, et surtout son collègue, le général US Jasper Jeffers III. À Tel-Aviv, il rencontre l’ensemble des chefs d’état-major israéliens et le ministre de la Défense, Israël Katz. À cette occasion, il déclare : « Ma visite en Israël, ainsi qu’en Jordanie, en Syrie, en Iraq et au Liban au cours des six derniers jours, a souligné l’importance de voir les défis et les opportunités actuels à travers les yeux de nos partenaires, de nos commandants sur le terrain et des membres du service. Nous devons maintenir des partenariats solides pour faire face aux menaces actuelles et futures qui pèsent sur la région. »
Le 12 décembre, Ibrahim Kalin, directeur de l’Organisation nationale de renseignement turque (Millî İstihbarat Teşkilatı - MIT), est le premier haut-fonctionnaire étranger à visiter le nouveau pouvoir de Damas. Le même jour, les mercenaires kurdes, qui administrent le Nord-Est de la Syrie pour l’armée d’occupation des États-Unis, hissent le nouveau drapeau du pays vert, blanc et noir à trois étoiles, celui du mandat français. Kalin sera suivi le 15 décembre par une délégation qatarie.
Pour valider les accusations de tortures imputées à l’ancien régime, Clarissa Ward, décidément très en forme, met en scène pour CNN des cadavres trouvés à la morgue d’un hôpital de Damas, comme le même CNN avait mis en scène ceux d’une morgue à Timișoara, lors du renversement des Ceaușescu, en 1989 [11]
Pendant ce temps, selon les Nations unies, plus d’un million de Syriens tentent de fuir leur pays. Ils ne croient pas que les jihadistes de HTC soient soudain devenus civilisés.
Par Thierry Meyssan