Après la STA-BI-LI-TÉ de Bayrou, voici la FI-DÉ-LI-TÉ de Macron
Modulo la très British question des chapeaux de style Ascot, on ne peut s’empêcher de penser que le président de la République française Emmanuel Macron ressemble de plus en plus au monarque anglais brillamment incarné par la défunte reine Élisabeth II. Comme elle, il prononce des discours à haute teneur rassembleuse, il porte des paroles d’espérance dans les écoles et les hôpitaux, il se dédie à la conservation de nos monuments les plus emblématiques, il visite des arboretums et il préside de grands sommets internationaux sensés ouvrir la voie du futur de l’humanité. Bref, il inaugure les chrysanthèmes, comme on dit.
D’hyperprésident jupitérien favorisé au départ, en 2017, par une écrasante majorité à l’Assemblée nationale comme la Ve République les aime, le voilà réduit à jouer les figurants de la politique française. La dissolution de juin 2024 qu’il a lui-même orchestrée afin, pensait-il, de regagner en légitimité auprès des Français a en effet accouché d’une chambre morcelée en trois camps dont aucun ne s’approche de la majorité absolue. D’où un brutal déplacement des éléments vitaux de notre République de l’Élysée, lieu du pouvoir présidentiel, à Matignon, résidence du Premier ministre, et au palais Bourbon, siège des députés.
En réalité, au-delà des rubans à couper et des décorations à décerner, le monarque anglais, tout comme les présidents allemand et italien, tout comme nos présidents de la IVe République et tout comme les rois belge et néerlandais (entre autres), est doté d’un rôle essentiel dans la préservation de la démocratie : il représente l’État et il en assure la continuité conformément aux termes de la Constitution du pays. On compte sur lui, on compte sur sa valeur intellectuelle et morale pour prendre les bonnes décisions dans les moments critiques de notre histoire. C’est énorme, c’est grand, c’est indispensable.
On aurait donc pu espérer que, faisant contre mauvaise fortune politique personnelle bon cœur élyséen et citoyen, une personnalité aussi férue d’envolées philosophico-littéraires qu’Emmanuel Macron aurait mis son point d’honneur à se placer au-dessus de la mêlée et à défendre la Constitution contre toute tentative petite ou grande d’instrumentalisation politique. Or Emmanuel Macron, non content d’avoir entraîné la France sur le chemin de la déroute totale de ses comptes publics et de la morosité économique, a décidé de proposer Richard Ferrand pour remplacer Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel.
Tiens, tiens, Richard Ferrand… Un nom qui ne nous est pas inconnu.
C’est en effet celui d’un ex-député PS devenu premier « fidèle » de la Macronie dès sa rencontre avec celui qui était alors, en 2014, ministre de l’Économie dans le gouvernement Hollande/Valls. Une fidélité qui va le conduire à organiser le nouveau Parti présidentiel, baptisé d’abord La République en Marche (LREM) puis Renaissance, à en devenir le Secrétaire général avant d’accéder aux postes de Président du groupe macroniste à l’Assemblée nationale et, en 2018, de Président de ladite Assemblée. Fidèle, donc, mais malencontreusement battu lors des élections législatives de 2022.
Richard Ferrand, c’est aussi cet homme qui fut mis en examen en 2019 pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne et qui en sortit « blanchi » en 2022, la Cour de cassation ayant considéré que les faits incriminés étaient prescrits. Non fondés, on ne sait pas, mais prescrits. Toujours est-il que contrairement à ce qu’il affirmait bruyamment du haut d’un prétendu surplomb moral lors de la mise en examen de François Fillon deux ans plus tôt, il décida de ne pas démissionner. Quant à Emmanuel Macron, après avoir condamné de toutes ses forces de preux chevalier sans tache et sans reproche la lèpre démocratique dont l’affaire Fillon était l’abominable symptôme, il garda toute sa confiance à un Ferrand jugé « irréprochable » dans l’exercice de ses fonctions.
Et enfin, last but not least, Richard Ferrand, c’est aussi cet ami toujours très obligeant qui, en 2023, testa avec une fausse innocence admirable l’hypothèse d’un troisième mandat présidentiel pour Emmanuel Macron auprès de la classe politique et de l’opinion publique. L’argument utilisé à cette occasion relevait de la prestidigitation la plus aboutie. « Je regrette tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire. » Autrement dit, pourquoi empêcher les électeurs de voter une troisième fois consécutive pour Emmanuel Macron si c’est ce qu’ils désirent ? Bonne fille, Roselyne Bachelot s’était empressée de lui faire écho, expliquant qu’il ne s’agissait nullement « d’offrir un troisième mandat à Emmanuel Macron, mais une troisième candidature. »
Les électeurs seraient-ils à ce point privés de l’expression démocratique la plus élémentaire si le nom de M. Macron n’apparaissait pas sur les bulletins de la prochaine échéance présidentielle ? Ce serait oublier qu’entre démocratie et despotisme, même éclairé, se glisse la notion de limitation du pouvoir. C’est précisément à ce titre que le nombre de mandats présidentiels consécutifs avait été limité à deux lors de la modification de la Constitution de 2008. Argument de Nicolas Sarkozy, artisan de cette réforme constitutionnelle :
« À la différence d’un despote, je suis élu. À la différence d’un despote, je limite le nombre de mandats successifs du président. »
Et puis de toute façon, qui sont ces citoyens qui réclameraient à cor et à cri une troisième candidature d’Emmanuel Macron en 2027, hormis lui-même et ses « fidèles » ? D’après la dernière vague du baromètre politique IPSOS, la cote de popularité du chef de l’État est tombée à 21 % en janvier 2025, juste un petit point au-dessus de son score le plus bas :
Rien ne dit que Richard Ferrand sera effectivement le prochain président du Conseil constitutionnel. Sa candidature doit encore être approuvée par l’Assemblée nationale et le Sénat. En revanche, rien ne peut plus effacer le fait qu’Emmanuel Macron a bel et bien proposé son nom pour prendre la tête d’une institution cruciale dans notre République. Une institution qui se doit d’être juridiquement compétente, judiciairement irréprochable et politiquement neutre.
Le candidat de l’Élysée ne répondant à aucune de ces caractéristiques, force est de conclure que nous nous trouvons bien face à une tentative d’instrumentalisation politique de la Constitution. En vue d’un possible troisième mandat macronien ? Nous verrons. Mais instrumentalisation, à n’en pas douter, même s’il ne s’agit que de récompenser la FI-DÉ-LI-TÉ (sublime vertu démocratique !) d’un proche qui trouvera certainement un moyen de renvoyer l’ascenseur. Ça promet.
Par Nathalie MP Meyer
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Après la STA-BI-LI-TÉ de Bayrou, voici la FI-DÉ-LI-TÉ de Macron
Modulo la très British question des chapeaux de style Ascot, on ne peut s'empêcher de penser que le président de la République française Emmanuel Macron ressemble de plus en plus au monarque a...
Illustration de couverture : Emmanuel Macron en septembre 2024 et Richard Ferrand en 2017. Photos AFP.