- Militant éborgné en 2009 : les 5 grosses boulettes des policiers
Dessin Allan Barte
Ce jour-là, ils n'avaient pas le droit de tirer au flash-ball mais personne ne leur avait dit.
Trois policiers comparaissent à partir d'aujourd'hui devant le tribunal de Bobigny pour avoir éborgné un homme en 2009. Récit d'une grosse plantade policière.
Joachim Gatti se rappellera toute sa vie de sa soirée du 8 juillet 2009. Alors qu’il participe à une marche de soutien au squat de Montreuil la Clinique, il est touché au visage par le tir d’un flash-ball d’un policier. La lésion est profonde. À l’hôpital, les médecins lui annoncent qu’ils ne pourront pas sauver son oeil. Ce soir-là, Joachim n’est pas le seul à avoir subi les foudres de la police. Entre 22h22 et 22h35, les bleus ont tiré 6 fois au flash-ball, blessant 6 manifestants. En plus de Joachim, trois se sont portés partie civile : Igor, Gabriel et Eric.
Sept ans plus tard, les quatre copains retrouvent les trois policiers qui leur ont tiré dessus devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Streetpress a pu consulter le dossier et te raconte les détails les plus ahurissants de cette énorme plantade policière.
Interrogé par les enquêteurs et les juges d’instruction, le commissaire S., en charge de l’opération, explique que les policiers n’étaient pas censés faire usage de leurs armes. Or ni lui, ni son lieutenant n’ont cru bon de le rappeler aux hommes. Et le commissaire d’ajouter, dans un dialogue lunaire :
« Ils ont pu se méprendre sur le cadre de leur intervention. »
Plus loin, on apprend que les policiers qui étaient équipés de flash-ball (alors même qu’ils n’avaient pas le droit de les utiliser), ne pouvaient pas non plus les laisser sans surveillance dans le coffre de leur voiture, ni les ramener au commissariat. Quand la police se mord la queue, elle ne fait pas semblant.
A Montreuil, trois policiers, Patrice L., Mickaël G. et Julien V. ont fait feu deux fois sur six manifestants. Aucun d’entre eux n’avait été entraîné à l’utilisation du flash-ball, hormis un stage de formation de six heures obligatoire délivrée des années auparavant. Pas facile de viser correctement dans ces conditions.
Interrogés par les enquêteurs sur le cadre de leur intervention, les bleus sont unanimes. Ils faisaient face à une foule féroce, prête à en découdre, balançant cannettes et bouteilles sur les forces de l’ordre. Le lieutenant B. parle même d’une « pluie de projectiles » pour décrire l’ambiance brûlante dans la rue.
L’enquête de voisinage infirme pourtant les témoignages des policiers. L’ordonnance de renvoi conclut même à une ambiance « bon enfant » et décrit une manifestation non violente et clairsemée. Aucun des 5 témoins interrogés par le juge d’instruction n’a vu de jets de projectiles. C’est à se demander si la « visibilité » de tous les policiers n’était pas altérée ce soir là…
Il est 22h22 quand le gardien de la paix Patrice L. fait usage de son flash-ball. C’est lui qui touche Joachim G au visage. Dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, il indique n’avoir visé personne en particulier. Même si l’on apprend plus loin que l’homme a été champion de France de tirs à la carabine dans sa folle jeunesse.
Son collègue Mickael G. est le second à faire parler la poudre. Premier tir : lui non plus ne vise personne en particulier. Il tire pour répondre à l’agressivité de la foule. Plus loin, on apprend que Mickael G. « a tiré une seconde fois (…) en léger déséquilibre ». Plus original, il explique avoir fait feu alors même que la visière de son casque était rayée. De son propre aveu, il ne voyait pas grand-chose.
Julien V. est le dernier à faire usage de son arme. A 10 mètres, deux individus s’apprêtent à lui lancer une canette sur la tête. Ces deux tirs font mouche. L’un des individus visés s’écroulent au sol. Mais pour Julien, pas de lien de cause à effet. Au juge d’instruction, il déclare ne pas savoir si « celui-ci tombait au sol du fait de son tir. »
De retour au bercail, les policiers passent au débriefing et raconte leur folle soirée : les tirs de flash-ball, les jets de bouteilles en verre sur les collègues… Aucun d’entre eux n’évoquent cependant d’éventuels blessés du côté des manifestants. Ce n’est que le lendemain, alors qu’un journaliste contacte le commissariat, que le commissaire S. en apprend plus. Les petits cachotiers…
Source: Streetpress.com
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