Les dérives de l’éducation sexuelle à l’école et le silence des ministres
Le nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle devrait être officiellement publié dans le courant du mois de décembre. Plusieurs parents, associations et spécialistes s’inquiètent de contenus inappropriés au rythme de développement des enfants et des adolescents.
Nos enfants vont-ils apprendre dès la maternelle à nommer leurs parties intimes, analyser les stéréotypes de genre dans des albums et « identifier les différentes formes de cadre familial : hétéroparental, monoparental, homoparental… » ? Vont-ils, dès le primaire, apprendre à « repérer des discriminations issues de stéréotypes de genre », les changements de leur corps à la puberté, et « qu’il existe des personnes intersexes » ? Au collège, seront-ils amenés à « différencier sexe, genre, orientation sexuelle » et, au lycée, à « reconnaître la diversité humaine dans son ensemble, en considérant la variété des orientations sexuelles et des identités de genre » ?
Ces interrogations suscitent l’inquiétude de nombreux parents et spécialistes de la petite enfance, alors que le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars), dont le JDD a récemment consulté la version avancée, est en cours de finalisation par le ministère de l’Éducation nationale. « Sur un plan idéologique, on a franchi un cran par rapport au projet de programme rédigé par le Conseil supérieur des programmes en mars dernier », réagissait la semaine dernière dans nos colonnes Ludovine de La Rochère, présidente du Syndicat de la famille.
Ce mercredi, Anne Genetet, ministre de l’Éducation nationale, s’est voulue rassurante, nous confiant qu’elle avait amendé le texte d’où proviennent les extraits cités plus haut, et que des consultations supplémentaires étaient organisées ces jours-ci. Initialement prévu pour être soumis au Conseil supérieur de l’éducation le 5 décembre, ce programme, destiné à entrer en vigueur en septembre 2025, a vu son examen reporté en raison d’un appel à la grève nationale. La ministre a indiqué qu’il serait finalement dévoilé « courant décembre », en soulignant l’importance d’un processus « volontairement long pour garantir un débat approfondi ».
Depuis l’instauration en 2001 de la loi Aubry imposant trois séances annuelles d’éducation à la sexualité, ces enseignements suscitent des tensions croissantes entre associations, syndicats et le ministère de l’Éducation nationale. En l’absence de programme officiel, leur mise en œuvre s’appuyait sur des circulaires, notamment celle de 2018, dite « circulaire Blanquer », qui précisait qu’ils devaient avoir lieu « dans le plus grand respect des consciences », qu’ils devaient être « pleinement adaptés à l’âge des enfants », « sans dimension sexuelle stricto sensu à l’école élémentaire » et « portés à la connaissance des parents d’élèves lors de la réunion de rentrée ». Force est de constater que cela n’a pas toujours été le cas, comme le montrent certains témoignages recueillis par les associations SOS Éducation ou les Mamans louves.
Des supports selon lesquels on doit parler de sexualité à l’enfant « dès le plus jeune âge »
En cause : des supports élaborés par des associations militantes ou reposant sur « les standards européens d’éducation à la sexualité » selon lesquels on doit parler de sexualité à l’enfant avant qu’il (se) pose des questions à ce sujet, « dès le plus jeune âge ». Ces standards s’appuient eux-mêmes sur des textes de l’OMS à l’origine desquels se trouvent les travaux d’Alfred Kinsey, qui a notamment mené des recherches destinées à prouver que les nourrissons avaient des orgasmes si on les stimulait…
« L’évolution de l’éducation à la sexualité à l’école révèle une dérive marquante, entame Inès Pélissié du Rausas, docteur en philosophie, auteur de Parlons d’amour à nos enfants (Artège). Dans les années 1970, elle se limitait aux mécanismes biologiques de la reproduction. Mais à partir des années 1980, avec l’explosion du sida, l’approche a changé : sous prétexte de prévention, des supports parfois explicites ont émergé, banalisant et décrivant diverses pratiques sexuelles justifiées par l’usage du préservatif. La sexualité, autrefois ancrée dans son contexte biologique, s’est progressivement éloignée du réel pour se centrer sur la vie sexuelle et les pratiques. Ce glissement a amplifié les dérives, légitimant toutes formes de pratiques sous le seul critère du consentement, parfois proche d’un discours sur la marchandisation du corps et la prostitution. »
Les pédopsychiatres Maurice Berger (lire page suivante) et Christian Flavigny, ainsi que d’autres spécialistes, alertent depuis des années sur l’importance de respecter le rythme de maturation des enfants et des adolescents dans l’éducation à la sexualité. Ils insistent sur la nécessité d’une implication accrue des parents et sur l’élaboration de contenus adaptés à l’âge et à la maturité afin d’éviter toute exposition prématurée à des notions inappropriées.
Dans une lettre adressée ces jours-ci au Premier ministre et à la ministre de l’Éducation nationale, Sophie Audugé, présidente de SOS Éducation (lire page 5), exprime des inquiétudes largement partagées : « La version de l’Evars 2025 actuellement en circulation institutionnalise la culture woke et la pensée queer au cœur de l’éducation. Cela aura un effet dévastateur sur la construction identitaire de nos jeunes et sur la place de la science dans notre système éducatif. » D’autres, comme le Temps de l’enfance (lire page 4) ou les AFC (lire page 5), réclament une prise en compte réelle des parents, la promesse de garde-fous clairs, voire l’annulation de cette publication.
L’enjeu est de taille car, une fois adopté, le programme aura un caractère obligatoire.
Le processus d’agrément des associations intervenant en milieu scolaire s’appuie sur des critères tels que la transparence financière et le respect des valeurs de l’enseignement public. Après examen par un Conseil académique (CAAECEP), la décision de l’agrément revient au recteur, lequel n’a pas à motiver sa réponse. Pour un agrément national, la décision finale appartient au ministre de l’Éducation nationale. L’absence de suivi uniforme complique l’évaluation des actions menées par les associations après leur agrément. Avec des bilans irréguliers et un contrôle externe quasi inexistant, il est difficile de repérer d’éventuels écarts, laissant planer une certaine opacité sur la qualité des interventions auprès des élèves.
Élisabeth Caillemer
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